Les richesses de la formation en Classes Préparatoires et sa complémentarité avec les Grandes Ecoles

THÉMA : Les richesses de la formation en Classes Préparatoires et sa complémentarité avec les Grandes Ecoles

Ecrit par Emilie Auribault, Professeur de Physique-Chimie ; Anne Broussou, Professeur de Lettres ; Franck Moreau, Chef d’établissement adjoint en charge de l’Enseignement Supérieur

Les richesses de la formation en Classes Préparatoires et sa complémentarité avec les Grandes Ecoles

La Classe Préparatoire aux Grandes Ecoles (CPGE)possède une triple mission. La première mission, par essence même, consiste évidemment à préparer des étudiants aux concours d’entrée (épreuves écrites et orales) de ces écoles. La deuxième mission, tout aussi importante, vise à les former et approfondir leurs connaissances dans les matières générales (mathématiques, lettres, langues, etc.) … La troisième mission est de contribuer à la transformation d’un jeune élève de Terminale en jeune adulte professionnel, en s’inscrivant dans une logique d’un cycle de 5 ans (2 ans de CPGE puis 3 ans en Grande Ecole (GE)).

Si la première finalité est bien connue, les deux suivantes sont souvent occultées. Les questions que l’on se pose au moment du choix de faire une prépa tournent souvent autour de la difficulté, des chances d’intégrer une GE, ou encore du volume de travail et finalement assez peu sur le contenu de la formation (que vais-je apprendre ?), sur les modalités de celle-ci (comment vais-je apprendre ?) et ou encore sur les bénéfices que l’on peut en retirer à long terme.

Cet article vise à informer sur ce contenu et ces modalités de la Classe Préparatoire, en la comparant avec d’autres types de formation post baccalauréat et/ou en la positionnant dans sa complémentarité avec l’expérience vécue en Grandes Ecoles.

Liberté ensuite à chacun, évidemment, de se positionner et de décider de l’intérêt ou non d’effectuer une telle formation.

Le contenu

Fort classiquement on peut distinguer différents types d’apport en termes de contenu: l’apport en termes de connaissances ou de savoirs (théoriques, conceptuels, …), l’apport en terme de savoir-faire (méthodologiques, opérationnels, …) et l’apport en terme de savoir-être.

Les savoirs en CPGE, quelle que soit la filière, sont principalement généralistes et fondamentaux: mathématiques, sciences, économie, sociologie, histoire, lettres, langues étrangères, etc. Par oppositions aux connaissances plus techniques (ex. en IUT), mono-disciplinaires (ex : licence de droit), managériales ou scientifiques (ex. en GE). 

Si l’on prend par exemple une Classe Préparatoire Scientifique en Mathématiques, Physique et Sciences de l’ingénieur (MPSI), les étudiants ont 12 heures de cours en mathématiques et 8 heures de cours en physique-chimie, ainsi que des heures d’informatique, de TIPE, de culture générale, d’anglais, de LV2 et … de sport !. Si on prend une Classe Préparatoire Economique et Commerciale, en voie économique par exemple (réservée aux Terminales ES), les étudiants ont 9 heures de mathématiques, 8 heures en économie, sociologie, histoire et économie approfondie, 6 heures de culture générale, 6 heures en LV1 et 2, et également …. du sport obligatoire !

Les principaux savoir-faire travaillés et développés pendant la CPGE sont les capacités :

  • de synthèse,
  • d’analyse, 
  • à raisonner de manière rigoureuse,
  • de développement et d’approfondissement,
  • d’expression, d’argumentation et de conviction (démonstrations, « preuves », entretiens, colles, etc.), tant à l’écrit qu’à l’oral,
  • d’organisation du travail et de l’apprentissage (bien plus encore que le volume de travail personnel à fournir, il s’agit tout autant d’apprendre à apprendre de manière réelle, efficace et efficiente).

Concernant les savoir être, la réputation de la CPGE comme un lieu d’exigence et de rigueur et un moment pendant lequel on développe le goût de l’effort, de la confrontation à la difficulté, de la résistance et de l’endurance n’est pas usurpée et s’avère même pleinement assumée… Le niveau, le volume, et l’intensité des connaissances à acquérir en prépa nécessitent effectivement un investissement supérieur à la norme et une forte capacité (innée ou développée) à apprendre beaucoup de choses difficiles, vite et bien ! A noter que la relation professeur-étudiant prend également une toute autre dimension ; loin des idées reçues, les enseignants sont les alliés des étudiants dans l’accomplissement de cette tâche.

C’est aussi un lieu où on peut exercer et développer son goût de la compétition et ce sans renier bien au contraire ! les vertus de l’éthique ou celles de la solidarité et de la collaboration.

A ce titre l’analogie avec les sportifs de haut niveau est très utile : les étudiants sont des « étudiants de haut niveau », avec toutes les vertus que le haut niveau représente (l’intensité et la régularité dans le travail, la confrontation aux autres et à soi, l’accomplissement de soi, la fierté de réussir dans la difficulté, l’appartenance à un réseau de talents …) mais aussi les moments plus difficiles (apprendre à vivre et surmonter des échecs, à gérer la frustration de la contre-performance malgré un énorme investissement, à faire certains sacrifices momentanés en termes de distractions).  La CPGE est aussi un fabuleux exercice d’apprentissage sur soi et sa capacité à gérer/arbitrer au mieux les temps de travail et d’effort et les temps de repos, d’équilibre, et d’épanouissement. Exercice très utile pour celles et ceux qui devront toute leur vie, (ré)concilier vie professionnelle et vie personnelle et familiale ! 

Comparons les CPGE aux autres formations post bac de l’enseignement supérieur français. Les formations type BTS et IUT sont principalement orientées vers des savoirs techniques (techniques comptables, génie thermique, …) ; les formations universitaires sont principalement centrées vers des savoirs disciplinaires (droit, économie, …) ; les Ecoles post-bac ciblent, quant à elles, prioritairement des savoirs, savoir-faire et expériences à visée professionnalisante. Finalement, très peu, voire aucune formation ne permet d’acquérir l’ensemble des savoir-faire/savoir-être présentés plus haut. En s’efforçant d’être le plus objectif possible, il n’y a pas de formation post-bac en France comparables aux CPGE.

Les modalités

En complément du contenu, la CPGE propose des modalités pédagogiques bien spécifiques, en termes d’accompagnement, de mode d’apprentissage et de cadre. 

Concernant l’accompagnement, le modèle de la prépa repose sur un fort accompagnement des élèves, et une très grande mobilisation et disponibilité des enseignants : cours (maximum 48 élèves), TD (entre 15 et 20 élèves), colles, tutorats individuels, ateliers méthodologiques, études surveillées (en internat), conseils individualisés (méthodes, orientation, …), etc. Sans évoquer les interrogations, DS, DM, examens, concours blancs, simulations d’entretiens, etc. Les étudiants sont très encadrés, que ce soit au niveau des méthodes de travail et d’apprentissage ou de la performance, pour que chacun trouve sa méthode optimale et singulière.  A ce sujet, force de constater une fois encore qu’un des clichés traditionnels des classes préparatoires est battu en brèche : les prépas ne sont pas formatées ou des clones que l’on pourrait substituer les uns aux autres ! Les personnalités, les projets, les ambitions, les envies, les méthodes d’apprentissage sont extrêmement diversifiés chez les étudiants…. 

Concernant le type d’apprentissage, il est voulu et apprécié par son caractère exclusivement académique, pour ne pas dire « scolaire ». Le modèle s’affranchit en effet de tout apprentissage « expérientiel » pendant 2 ans : ni stage, ni échange à l’étranger, ni même vie associative… Et cela pour deux raisons. 

Première raison : l’enjeu de la prépa est de faire acquérir aux étudiants un très haut niveau de connaissances théoriques et conceptuelles et une grande rigueur scientifique. 

Deuxième raison : l’apprentissage expérientiel est à l’inverse un des piliers principaux du modèle Grande Ecole. Les étudiants, futurs managers et ingénieurs, y consolideront d’autres connaissances théoriques mais devront surtout développer les compétences et aptitudes professionnelles et apprendre à apprendre, non plus de manière scolaire, mais de et par leurs expériences. 

Il convient aussi de noter que le mode d’apprentissage est passé d’un mode strictement individuel à un mode beaucoup plus collectif et collaboratif. Aidé en cela par les nouvelles technologies collaboratives et porté sans doute par une génération plus tournée vers le partage et l’entraide, la classe préparatoire, sans renier son exigence et son mode de sélection individuelle, a considérablement évolué ces dernières années. En cela, les étudiants sont davantage préparés  à la méthode d’apprentissage et de travail collectif au cœur du modèle pédagogique des écoles de management et d’ingénieur, ces dernières développant de plus en plus des modes d’apprentissage plus complexes : en réseaux, en communautés, à distance, etc.

La traditionnelle déstabilisation lors du premier semestre en Grande Ecole est principalement due à ce changement profond dans le type d’apprentissage : d’un apprentissage 100% académique, l’étudiant passe à un apprentissage plus équilibré avec un mix d’expérience académique, professionnelle, entrepreneuriale, associative, personnelle et … festive !

Quant au cadre de la classe préparatoire, il est très simple, très formalisé et … imposé. Le contenu et les objectifs du programme sont définis nationalement, la maquette pédagogique est également commune, les modalités d’épreuves et de concours sont connues dès l’entrée en CPGE, etc. Il permet à l’étudiant de se concentrer sur l’essentiel, à savoir ses études ! Les principaux arbitrages reposent sur des choix tactiques d’allocation de temps aux différentes disciplines, l’adoption de telle ou telle méthode d’apprentissage optimale, les choix des écoles et des concours passés. Rien de tel une fois que l’étudiant a intégré une GE: certes l’étudiant évolue toujours dans une formation structurée, réglementée et exigeante mais il doit faire en permanence des choix de cours, d’électifs, d’options, de parcours, de spécialisations, de doubles diplômes, d’échanges ou non, de stage et/ou d’apprentissage…. L’étudiant est amené à construire, de manière responsable et autonome, son propre parcours, en lien avec sa personnalité et la définition de son projet professionnel. 

Là encore, la filière CPGE-GE est riche et complémentaire, l’étudiant faisant l’expérience de deux contextes totalement différents !

Le schéma ci-dessous résume la richesse et la complémentarité du cycle Classes Préparatoires – Grandes Ecoles.

Conclusion

La Classe préparatoire possède de multiples vertus : préparation aux meilleures écoles (Ecoles Normales Supérieures, Polytechnique, HEC, Ecoles Vétérinaires, …) ; concentration de talents tant chez les étudiants que chez les enseignants ; expérience de l’effort, de l’exigence et de la rigueur intellectuelle ; etc.

Au sein d’un continuum Classe préparatoire-Grande Ecole de 5 ans, elle offre un socle solide de connaissances fondamentales, savant mélange d’humanités et de sciences dures. Ce socle est non seulement indispensable à tout futur manager ou dirigeant, en posture de responsabilités et en capacité d’évoluer professionnellement mais aussi à tout citoyen, devant faire face aux enjeux socio-économico-politiques de la globalisation, de la performance durable et de l’économie de la connaissance.

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